Histoire des jeux de cartes et des cartes à jouer
La popularité des jeux de cartes et des autres jeux de table est universelle. Certains n'y voient que d'agréables distractions. D'autres les prennent plus au sérieux et y consacrent beaucoup de temps et d'efforts, en étudiant de près les stratégies des jeux et en participant à des tournois. Nombre de jeux auxquels nous nous livrons de nos jours remontent en fait à plusieurs milliers d'années, même s'ils ont subi diverses modifications au cours des temps. En général, ces jeux servaient, semble-t-il, à enseigner aux soldats en herbe la stratégie et l'art militaire. Tel est le cas notamment des dames, des échecs et du jacquet dont les pièces ont une valeur symbolique évidente. De même, dans le cas des jeux de cartes, on peut supposer qu'à l'origine les quatre couleurs représentaient quatre armées différentes.
L'origine exacte des jeux de cartes fait l'objet de véritable controverses car certains pensent qu'ils ont été créés en Chine ou au Proche-Orient tandis que d'autres affirment qu'ils viennent de Perse ou d'Inde. Malgré une flopée de recherches, personne n'a encore pu dire avec certitude l'origine des jeux de cartes.
D'après quelques hypothèses, les Chinois sont les premiers à en faire usage au VIIème siècle. En ces temps-là, trois genres de cartes ont été remarqués : les cartes dominos, les cartes représentant les pions du jeu d'échecs chinois et les cartes monétaires. Cependant, elles ressemblent peu à celles qu'on utilise aujourd'hui. Vers les XIIème et XIIIème siècle, elles réapparaissent au Proche-Orient sous forme d'un jeu nommé « mamelouk » qui se rapproche surtout d'un jeu italien où les cartes sont indispensables. D'après les experts, ce jeu italien est inventé par des familles d'émigrés originaires d'Arménie.
Les jeux de cartes n'arrivent en Europe, plus précisément en Espagne, que vers le XVIème siècle. A cette époque, elles étaient réservées uniquement à l'aristocratie et certaines d'entre elles étaient ornées d'or fin. Leurs illustrations étaient réalisées par des artisans miniaturistes à l'origine.
Les premières cartes européennes sur lesquelles on possède des renseignements certains étaient des enluminures, miniatures en couleur finement travaillées et fort coûteuses. La Bibliothèque nationale (Paris) possède notamment dix-sept tarots, provenant d'un jeu du XVe siècle (jeu dit de Charles VI), et qui sont d'une grande valeur artistique. On ne sait rien, en revanche, du procédé employé pour la confection des cartes qui, dès la fin du XIVe siècle, étaient en usage dans le peuple.
Vers 1450, la fabrication des cartes prit un caractère artisanal avec le procédé de la xylographie, ou gravure sur bois, qui fit notamment le succès des manufactures allemandes, celle d'Ulm en particulier. En ce qui concerne cet artisanat, le plus ancien texte français connu est un document établissant les statuts d'une corporation de cartiers à Toulouse, en 1465. À Paris, en 1594, les maîtres cartiers s'érigèrent en communauté indépendante.
La généralisation de la xylographie puis celle de la typographie permirent d'abaisser le coût des cartes, dont l'usage se répandit dans toute l'Europe. En France, les imprimeurs de cartes à jouer furent particulièrement nombreux à Paris, à Lyon et à Rouen. Ceux de Rouen produisaient surtout pour l'étranger: Angleterre, Suisse, Espagne, etc.
Dès le XVIe siècle, la fabrication et la vente des cartes furent l'objet en France d'une sévère réglementation fiscale. Les fraudes étaient sanctionnées par de graves peines, allant du pilori aux galères. Pour que le contrôle fût efficace, les cartes devaient être imprimées sur un papier spécial dont l'État avait le monopole, de plus, leur vente était soumise à droit de timbre. Cette législation d'exception fut abolie en deux étapes: à partir de 1946, la vente des jeux ne fut plus soumise qu'à une taxe spéciale, s'ajoutant aux impôts indirects ordinaires; en 1959, cette mesure fut abrogée, et la vente, comme la fabrication, devint entièrement libre.
Les établissements de jeu
La pratique des cartes s'est généralisée dès leur apparition. En France, les jeux se pratiquent en principe dans les salles de jeu de paume ou tripots (sans aucun sens péjoratif jusqu'au XVIe siècle), nommés aussi brelans ou académies de jeu. Partout ailleurs (chez les cabaretiers, aubergistes et autres "faisans profession de donner à boire et à manger"), ils sont interdits. Les textes législatifs le précisent toutefois vainement.
Au milieu du XVIe siècle, et sans doute avant, on joue aussi dans les campagnes. Le sieur de Gouberville (1553-1562) mentionne ainsi dans son journal les jeux auxquels il se livre en compagnie de ses domestiques. On ne peut également négliger le rôle des armées en déplacement dans la diffusion et la transmission des jeux d'un lieu à un autre.
A la fin du XVIIe siècle, à Paris, on joue dans :
- les académies de jeu, qui dépendent de la lieutenance générale de police et où le nombre de joueurs est limité,
- les établissements que le roi autorise. On peut ici citer l'hôtel de Transylvanie (jusqu'en 1716), et ceux de Gesvres et de Soissons, lieux de scandale où la seule loi est le profit,
- les maisons de jeux, ouvertes à tous et qui se développent de manière endémique (en particulier près du Palais-Royal), sans avoir à demander d'autorisation.
Et la cour de Versailles elle-même offre l'image d'un gigantesque tripot où les courtisans peuvent s'adonner à la passion dévorante du jeu, encouragés par un souverain qui n'y voit qu'un moyen supplémentaire de contrôler l'aristocratie.
Au XVIIIe siècle l'engouement pour le jeu vit ses dernières heures : à la Cour, on joue toujours autant et Paris acquiert la significative réputation de "tripot de l'Europe".
A la veille de la Révolution, Paris compte quelque 4000 salles de jeu.
La Révolution néanmoins, en mettant fin aux activités de la Cour, commence ce travail d'assainissement de la pratique des jeux que poursuivront les pouvoirs en place au siècle suivant.
Ainsi, au début du XIXe siècle, seuls 9 établissements fonctionnent sous le couvert de la légalité : le Salon des Etrangers et surtout Fracasti, pour les plus élégants, au bas de l'échelle, le n° 113 localisé au Palais-Royal, alors particulièrement mal famé. Le coup de grâce est donné par Louis-Philippe en 1836 par une loi prohibant les jeux publics sans exception.
Que s'est-il passé en Europe dans le même temps ?
Au début du XVIIe siècle, Venise décide d'accorder à Marco Dandolo le droit inédit d'ouvrir en son palais une salle de jeu autorisée : le Ridotto pubblico, ouvert pendant toute la durée du Carnaval.
Le Ridotto fonctionnera jusqu'en 1774. Véritable précurseur des casinos, il est aussi le premier exemple de prise en charge par l'Etat de maisons de jeu officielles. Ces exemples vont se multiplier : Spa, ville symbole du thermalisme mondain, dépendante du prince-évêque de Liège, reçoit la permission d'ouvrir successivement au cours du XVIIIe siècle, une salle de jeu baptisée Redoute puis une seconde, Waux-Hall. En donnant naissance au premier casino, l'Etat liégeois n'oublie pas de prélever au passage le tiers des produits des jeux.
Aujourd'hui, en matière de jeux de hasard, le régime français repose sur la loi du 15 juin 1907 où seules les stations thermales, balnéaires et climatiques ont le droit de posséder un casino doté d'un lieu de jeux. Aux Etats-Unis, les besoins d'argent nés de la Grande Dépression dans les années 1930 ont fait se multiplier les autorisations, particulièrement au Nevada et à Las Vegas.